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Interview de S.A.R. le Grand-Duc : DR1 (télévision danoise)

20.10.2003

Quels sont les inconvénients du poste que vous gérez ?

Je ne dirai pas qu'il y a des inconvénients. Je crois que la vie a changé depuis que je suis devenu Grand-Duc de Luxembourg. Avant, je voyageais beaucoup à travers le monde comme Président du Comité de développement économique et à ce moment-là, j'essayais de promouvoir les produits luxembourgeois à travers le monde. Aujourd'hui évidemment, la chose est un peu différente étant donné que j'ai passé cette partie des charges à mon fils Guillaume et donc aujourd'hui, les responsabilités sont plus grandes, ce sont les responsabilités de Chef d'Etat qui m'incombent. Je dois dire que dans ce cadre-là, le travail est important, mais très diversifié. Je rencontre énormément de gens et j'ai la possibilité d'être en contact très étroit aussi avec la population.

Comment votre vie a changé après être devenu Grand-Duc ?

Ma vie personnelle au fond n'a pas beaucoup changé. C'est la responsabilité qui est plus importante. Mais à part ça, je dois dire que je me sens comme avant. Je ne suis pas devenu une personne différente. Et j'essaie de m'occuper de cette charge d'une façon sérieuse, et donc d'être en contact avec la population.

Et quelles sont les responsabilités, je dirais, les plus dures à défendre?

Je ne dirais pas qu'il y a des responsabilités dures à défendre, je dirais que c'est un travail de tous les jours. Je me rends ici au Palais tous les jours et donc j'ai une palette d'activités qui est très importante et très intéressante, parce que je rencontre énormément de gens et j'ai l'occasion avec mon épouse de sortir également, d'aller faire des inaugurations et de rencontrer des gens, d'aller dans des institutions, de rencontrer des personnes qui sont peut-être moins bien loties que nous et d'essayer de leur apporter quelque chose, d'être à l'écoute des gens. Je crois que ça c'est très important, c'est d'écouter les gens, savoir un peu ce que le pouls du pays dit et à ce moment-là, essayer d'agir.

La raison pour laquelle je pose cette question c'est parce qu'on parle beaucoup chez nous aussi qu'il faut aussi défendre la monarchie, parce que ça peut être difficile pour les membres de la famille royale parce qu'ils sont exposés tout le temps. Donc il y un prix à payer.

C'est un prix à payer – non. Peut-être dans le sens où vous le dites c'est peut-être un manque de libertés. Parce qu'effectivement, quand on est dans cette position, on ne peut pas faire n'importe quoi. On est un peu restreint, dans le sens que la liberté de se promener est peut-être moins importante que d'autres. Mais je dois dire qu'ici au Luxembourg on n'a pas vraiment ce problème-là. Il m'arrive très souvent de sortir avec mon épouse et d'aller au restaurant, et avec les enfants, d'aller au cinéma ou de faire des activités externes.

Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus pour l'avenir de vos enfants ?

Je crois que nous avons essayé – nous avons 5 enfants – donc on a essayé de leur apporter les valeurs de base. Une fois que les enfants sortent de leur nid – puisque j'ai un enfant qui a 22 ans, et qui n'est plus un enfant donc et qui est à l'université – je crois que ce qu'on peut espérer de mieux pour eux c'est d'avoir une bonne éducation, de vivre dans une paix, nous avons cette chance, notre génération, de ne pas avoir connu la guerre, et nous espérons que la prochaine génération va avoir cette chance également. Egalement qu'ils soient bien dans leur peau, je crois que ça c'est important, qu'ils soient rayonnants et qu'ils soient heureux.

Quels seraient les conseils que vous donneriez au futur Roi et à la future Reine du Danemark, en tant qu'ami et membre de la famille?

Je ne peux certainement pas donner de conseil, parce que je crois que chacun doit trouver sa voie et savoir comment faire ce travail. Mais comme je connais le Prince Frederik, je sais qu'il le fera très très bien.

Donc, pas de conseil ? Il vient de se fiancer avec Mary Donaldson, c'est une grande histoire chez nous, vous l'avez rencontrée ?

Je ne l'ai pas encore rencontrée et je me réjouis beaucoup de pouvoir la rencontrer lors de notre Visite d'Etat voici quelques semaines.

Le rôle du Luxembourg, comme un des Etats les plus petits en Europe, entouré de grands pays, comment fait le Luxembourg pour trouver sa place et garder ses privilèges ?

Je pense qu'on n'a pas véritablement de privilèges par rapport à d'autres pays. Je crois que comme un des plus petits pays de l'Union Européenne, ce qui est important, c'est de pouvoir être intégré au sein d'une plus grande entité. Le Luxembourg, comme petit Etat a toujours eu besoin de ses marchés externes et donc nous avons eu besoin au début de la Communauté Européenne, du Benelux, et aujourd'hui de l'Union Européenne. Nous sommes profondément européens et cette intégration qui continue, grâce à l'élargissement qui va se faire d'ici l'année prochaine, est une chose que nous voyons d'une façon extrêmement positive, pour notre commerce, mais également pour l'idée européenne. Les Luxembourgeois sont Luxembourgeois avant tout, mais Européens aussi.

Le Danemark est un pays petit aussi, et je crois que cela nous intéresse aussi comment le Luxembourg peut-il jouer un rôle si important, malgré sa petite taille ?

Je pense que, étant donné que nous étions dans la Communauté Européenne dès le départ, nous avons pu jouer à 6 un rôle important. Etant donné que nous sommes sur la frontière linguistique et culturelle entre l'Allemagne et la France, ou la partie latine de l'Europe, on a toujours su, grâce à ces deux … choses, pouvoir agir en tant que (interruption)…. conciliateur, entre l'idée germanique et l'idée latine. Et donc dans les discussions européennes il est arrivé très souvent que grâce à des personnalités importantes que nous avions comme Premier Ministre comme M. Werner, M. Thorn, M. Santer, ils aient pu jouer ce rôle d'intermédiaire entre le monde germanique et le monde latin.

Avec la famille royale du Danemark, quelle importance a votre lien avec la famille ?

Je dois dire que nous sommes liés, comme vous l'avez indiqué vous-même, d'une façon familiale avec le Danemark, étant donné que mon arrière-grand-mère était la Princesse Ingeborg de Danemark. Nous avons des liens, je dois dire très étroits, avec l'ensemble des pays scandinaves et en particulier avec le Danemark. Et c'est pour ça que nous nous réjouissons particulièrement de venir faire cette Visite d'Etat chez vous.

strong>Et vous avez un contact proche ou vous avez une amitié proche avec la Famille ?

Oui, nous nous voyons souvent, je dirais même plusieurs fois par an. C'est toujours un plaisir de les revoir.

Vous avez marié une femme bourgeoise, comme notre Prince Héritier Frederik va le faire. Vous l'aviez marié par amour et vous avez gagné beaucoup de respect pour ça par les Luxembourgeois. C'est votre opinion que pour que la monarchie survive, il faut plutôt se marier par amour que par tradition ?

Je pense que c'est une vérité. Absolument. Il faut toujours se marier par amour et pas par devoir. C'est comme ça que dure également un mariage. Dans mon cas, j'ai le bonheur d'avoir trouvé une âme-sœur dans mon épouse que j'ai rencontrée à l'université à Genève. Nous sommes mariés depuis maintenant plus de 22 ans et je dois dire que c'est quelque chose de tout à fait spécial.

Vous pensez que la monarchie a un avenir ?

Ca c'est aux gens de décider. Ce n'est peut-être pas à moi de répondre à cette question. Mais je crois que nous pouvons être un symbole pour un pays et dans ce sens je crois que les monarchies ont probablement un avenir, à condition que les monarques suivent les règles et travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements.

Voulez-vous dire quelque chose au peuple danois ?

Ce que je pourrais dire évidemment c'est que la Grande-Duchesse et moi-même sommes extrêmement honorés et contents et heureux de pouvoir effectuer cette visite d'Etat dans votre pays et nous nous réjouissons de pouvoir vous revoir tous à cette occasion.

Justement, vous allez rencontrer pour la première fois Mary Donaldson, c'est sa première sortie officielle. Qu'est-ce que vous pensez ?

Mais moi je me réjouis beaucoup de la rencontrer. Connaissant le Prince Frederik, je suis sûr qu'il a fait un choix parfait.

Quelle est votre mission essentielle ?

Je pense qu'une des missions principales en tant que Chef de l'Etat c'est l'unité nationale. Nous avons cette particularité à Luxembourg d'avoir un tiers d'étrangers dans le pays, même la Ville de Luxembourg se remplit à moitié de (…) d'étrangers pendant la journée. Ce qui fait qu'il faut essayer d'intégrer toutes ces populations étrangères, qui viennent de partout, qui viennent d'Allemagne, de Belgique, de France et également du Portugal, de l'Italie. Je crois que la tâche essentielle est également de pouvoir en faire des Luxembourgeois à part entière et donc de les intégrer. Et c'est une mission que je prends très au sérieux.

Et comment ça se fait que vous, particulièrement vous, pouvez faire ça ?

Parce que je suis peut-être neutre dans ce sens-là. Je ne suis pas partisan, je suis départi (?). Et donc, lorsque je m'adresse à la population lors des vœux de Noël par exemple, j'insiste toujours sur ce point, pour essayer à ce que justement tous ces Non-Luxembourgeois qui vivent chez nous et qui travaillent chez nous – qui sont donc une partie intégrante de l'économie du pays, c'est eux qui participent à l'évolution positive de notre économie– puissent se sentir chez eux.

Justement, le Luxembourg a pu intégrer beaucoup d'immigrés, apparemment sans problèmes, comment ça se fait ? Vous n'avez vraiment pas de problèmes du tout ?

Je pense que c'est le fait que le Luxembourg a toujours été un passage. Nous sommes au centre de l'Europe et donc il y a eu des migrations de populations de part et d'autre et donc les Luxembourgeois en tant que caractéristique, sont tolérants vis-à-vis des étrangers. Et donc on les accepte toujours avec une grande ouverture d'esprit. Et nous savons que ces gens participent justement à la construction économique de notre pays et le fait que nous soyons devenus un pays vraiment riche, est également le fait de ces étrangers.